Une petite catastrophe s’abat sur les frêles épaules de Laya : sa belle chouette noire Gertie s’est foulée une aile, pas de vol pour une semaine. Et voilà votre rédactrice obligée de courir de droite à gauche pour remettre elle-même ses courriers, voire repousser l’envoi de ceux à longue distance. Mais comment faisait-on donc quand personnes n’avait encore l’idée de dresser les hiboux et chouettes à l’envoi de courrier ? L’ultime liasse rescapée du ménage des archives de rédaction nous apporte une réponse. Voici une dernière tranche de vie d’autrefois, avec le témoignage de Bertha Waltham, factrice sorcière en 1835. |
Le ciel est rose vif tandis que je finis de remplir ma sacoche de courrier. Meugleuses endormies pour quelques heures, journaux enroulés, et tellement de lettres, missives et messages ! Pour ne pas croiser la curiosité des moldus, nous effectuons nos tournées de distribution de nuit. C’est même la règle essentielle du travail de factrice sorcière : faire l’impossible pour ne pas éveiller les soupçons de nos voisins non-magiques. Moi qui suis arrivée il y a quelques mois de ça, j’ai immédiatement été informée, puis maintenue en vigilance constante. Le maintien du secret magique pour les moldus est absolument vital.
Je lance un sortilège de Coussinage à mon balai avant de l’enfourcher et c’est parti pour toute la nuit. Nous sommes tenues de calculer nos itinéraires pour croiser le moins de voies moldues possibles, donc nous nous retrouvons régulièrement à survoler d’interminables forêts toute la nuit. Et en cas de repérage par nos voisins du bas trop curieux, nous connaissons notre panel de sortilèges d’Amnésie.
Quand je parle de vigilance constante pour la Poste Sorcière, je n’exagère rien. En plus des affiches de conseil et rappel à l’ordre, chaque office de courrier a sa propre plaque de compte : tant de jours sans incident moldu. Au bout de 4 mois d’affilée, l’office remporte des accessoires supplémentaires de confort pour son escadron de factrices. Gants en cuir doublés de fourrure, capes d’invisibilité en poils de Demiguise, lunettes de vol... Nos responsables tentent de rendre cette responsabilité la plus positive possible. Mais toutes ces précautions à prendre agacent énormément mes collègues, qui ont l’impression qu’on veut leur compliquer inutilement le travail. Elles commencent à développer des tendances anti-moldues qui me mettent vraiment mal à l’aise. Heureusement que c’est un travail solitaire.
Ce métier existe depuis que les sorciers s’envoient des messages, mais je ne sais pas s’il saura durer encore longtemps. Je veux dire, le monde sorcier demande des conditions de travail plus humaines, même pour les classes ouvrières. Et surtout pour nous, les moldus évoluent et construisent des machines qui volent aussi haut que nous et voient parfaitement la nuit. Qu’est-ce qu’ils finiront par avoir en tête sur nous, que le monde sorcier se résume à des femmes perchées des balais, survolant les forêts pendant la nuit ? Ça serait ridicule pour nous et angoissant pour eux. Peut-être qu’on pourrait trouver un autre moyen de faire les tournées, comme élever des oiseaux nocturnes pour les livraisons, pour ne pas qu’ils se fassent remarquer ? Mais si la première chouette des bois dressée à trouver un trajet précis pouvait nous remplacer, est-ce que ça ne serait pas pour nous la mort de la profession ?